Date: 09.12.2024 Heure: 15:44 GMT
Ajouté le : 26.09.2022 10:34
Les Indépendances, un miroir aux alouettes ?
En 1960 , les colonies d’Afrique, dans l’euphorie et, sans coup férir, obtiennent l’indépendance, après plusieurs siècles d’occupation, d’exploitation et d’assimilation.
Soixante ans après quels regards porter sur nos indépendances ?
Tout d’abord, il faut rappeler que ce sont les grandes puissances, USA et URSS, à la fin de la deuxième guerre mondiale, qui ont fait injonction à la France de libérer les colonies. Les indépendances africaines n’étaient nées, ni de la volonté des puissances coloniales , ni des revendications des peuples africains, mais de la pression des grands vainqueurs de la deuxième guerre mondiale.
C’est ce qui explique cette mansuétude, absolument inattendue de la part des puissances coloniales.
C’est aussi ce qui explique la parodie des indépendances, la France sommée de libérer ses colonies, avait imaginé et mis au point la Françafrique pour perpétuer sa domination.
Voilà pourquoi les pays africains, pendant plus de soixante ans ,ont pratiquement continué à fonctionner comme des colonies.
La question qui se pose aujourd’hui est celle de savoir comment remédier à cette situation ?
Les colonies d’Asie, d’Amérique Latine, des Caraïbes, du Pacifique, ont trouvé les chemins du développement, de l’indépendance.
Les anciennes colonies d’Afrique sont encore dans les liens de domination coloniale.
A lire aussi du même auteur :Leçons de l’Indépendance.
Pour comprendre cette situation aussi burlesque qu'anachronique, il faut rappeler le contexte dans lequel était l'Afrique au moment des indépendances.
La violence de la colonisation avait pétrifié les sociétés africaines . Le système colonial, en faisant irruption dans la vie des africains avec une rare violence, a stoppé toute évolution sociale, politique, économique, culturelle.
Toute la dynamique interne qui avait porté l’évolution des sociétés africaines en Afrique Occidentale par exemple , à l’origine de la constitution des Entités politiques précoloniales, Royaumes et Empires, avait été annihilée par l’invasion et l’occupation européenne jusqu’aux indépendances.
Pendant des siècles les africains avaient été interdits de penser, d’agir et décider. Les politiques coloniales d’assimilation ébauchées par les Européens avaient été un échec. Les populations africaines se sont repliées sur elles-mêmes dans une posture de rejet et de résistance.
En dehors de quelques personnes, d’ailleurs mises au ban par leur communauté, très peu d’Africains avaient collaboré avec l’Administration coloniale.
C'est malheureusement dans cette tranche de la population que la France avait choisi les dirigeants africains à qui elle avait passé la main.
La plupart des hommes politiques à qui la France avait confié la direction de ses colonies en Afrique, étaient minutieusement choisis, en raison de leur allégeance à la Métropole. Ceux qui ont voulu se dérober par la suite, ont été évincés sans ménagement, certains mêmes au prix de leur la vie.
A l’indépendance, la France avait choisi les dirigeants africains en fonction de ses intérêts . La plupart des élites politiques africaines post- indépendance sont sorties de ce moule. Voilà pourquoi l’ indépendance des pays africains n'a été qu’un leurre.
Aujourd’hui, avec la mondialisation, l’explosion des moyens de communication, la révolution dans l’éducation et la formation, l'Afrique se lève enfin.
Les Africains se rendent compte finalement que le continent est à la croisée des chemins. Ou il s’engage résolument dans la voie du développement, de son indépendance, ou il sera bouffé définitivement par les Ogres qui fourbissent déjà leurs armes pour la domination du monde.
Que faire aujourd’hui pour sortir de l’impasse dans laquelle nos pays ont été placés par les puissances coloniales, complices d'une élite africaine bien formatée ?
Tout d’abord, il faut éclairer sainement les opinions sur les réalités sociopolitiques de l’Afrique pre-coloniale.
Contrairement aux propagandes neo-coloniales, qui présentaient l’Afrique comme une terre vierge, sans légitimes propriétaires, habitants depuis la nuit des temps, les envahisseurs européens ont trouvé des Etats bien organisés, des sociétés civiles régies par des normes universelles, et qu'ils se sont empressés de détruire de fond en comble pour justifier leurs mensonges.
Ces Entités politiques, en Afrique Occidentale, sur le territoire de l’actuel Mali, s’intitulaient, « le Royaume Mandingue de Samori Toure', le Royaume du Khasso, le Royaume du Kenedougou, le Royaume Bamana de Segou, l'Empire Peulh du Macina, la Confédération Touareg de la Boucle du Niger.
Tous ces États constituent les démembrements de grands Empires qui les ont précédés ,et dont l’Histoire retient la grandeur et la splendeur universelles.
Dans leur rage de tout raser ,les conquérants européens avaient programmé de détruire tous les vestiges des civilisations africaines. C'est pourquoi ils se sont évertués à fonder une capitale de la Colonie du Soudan français à partir d'un village auparavant inconnu, au lieu des cités célèbres de Tombouctou, Gao, Hamdalaye, Segou ou Sikasso.
Toutes ces villes historiques ont été laissées à l'abandon pendant toute la période coloniale, pour s’assurer du déclin des États dont elles sont les témoins éternels.
Pour ne rien laisser au hasard, les Conquérants ont détourné ou détruit toutes les routes commerciales qui irriguaient l’économie de ces États ,pour créer un monopole de fait au profit des grandes compagnies commerciales coloniales.
Par ailleurs le constat d’échec des Etats postcoloniaux est criard aujourd’hui. Personne ne peut nier qu’il résulte du rejet par les populations des Institutions et Politiques héritées du système colonial.
C’est pourquoi les Africains doivent s'inspirer de leur Histoire pour refonder leurs Institutions.
Jusqu’à l’arrivée des envahisseurs européens, les pays africains étaient régis par des règles qui ,mises à l’épreuve par des siècles , ont permis de bâtir des États solides, de renommée mondiale.
Il importe aujourd’hui que les citoyens africains s’identifient dans leurs Institutions, celles qui sont le produit de leur génie, de leur histoire, et non des camisoles de force inappropriées.
Les Africains doivent faire le constat, après plus de soixante ans, qu'on ne peut pas construire des États modernes sur les bases des Colonies.
Malheureusement nos hommes politiques demeurent encore sourds ,puisqu’ils n’ont pas tout à fait réalisé que la grande majorité des peuples africains, les masses rurales analphabètes, ont tourné le dos aux États depuis longtemps.
Pour ces masses populaires largement majoritaires, qui ont résisté à la colonisation, les Etats postcoloniaux, qui perpétuent la domination française, responsable de la déconstruction de nos Entités politiques, sont un mal, comme l'atteste ce jugement porté par un paysan sur le Mali : « Des Toubabs blancs sont partis, des Toubabs noirs les ont remplacés ‘’.
L’adhésion en masse des ruraux, aux Groupes armés terroristes, au Sahel, n'est rien d'autre, qu'un rejet sans appel ,des Etats postcoloniaux . Il en est de même des coups d’état, des rébellions.
Encore faut- il se demander si nos hommes politiques ont-ils reçu le message cinq sur cinq !
Aujourd’hui encore il est surprenant que les Nation Unies continuent de considérer que le fait colonial seul ,justifie le fondement juridique des États postcoloniaux , au lieu de prendre comme référence l’héritage historique des peuples africains, c’est à dire les Entités politiques en place au moment des conquêtes coloniales.
Il est infiniment plus légitime et logique de fonder la création des États Africains sur la base de l’héritage politique, sociologique, juridique, attesté par des millénaires, des siècles d’histoire, comme partout ailleurs, au lieu de l’accident colonial.
Déjà en 1982, lors d’un voyage aux ÉTATS-UNIS d’Amérique, des hommes d’affaires américains m'ont affirmé que pour eux,le.
plus grand problème de l’Afrique résulte essentiellement de la colonisation européenne, responsable de la multitude d' États, la plupart sans aucune base politique, juridique, ou économique.
Il est clair que les pères fondateurs des indépendances africaines avaient été entraînés dans cette logique sans aucune marge de discernement. C’est pourquoi ils nous ont légué tous les problèmes actuels.
Ils ont fait de leur mieux. A eux, leurs œuvres, à nous les nôtres.
Nous devons sans complexe reprendre les choses en main et remettre le Continent Africain à l’endroit, condition sine quoi none de son immersion dans le vingtinieme siècle.
Aujourd’hui, il est évident que beaucoup d’hommes politiques, en Afrique, ont atteint leurs limites.
L’Afrique des leaders tarés et corrompus, est morte.
Vive l’Afrique des peuples.
Hamma Ag Mahmoud,
Consultant, ancien Ministre.