Date: 01.11.2024 Heure: 19:10 GMT
Ajouté le : 08.07.2012 18:15
Mauritanie: Le Hakem d’Aleg au cœur des irrégularités liées à Emel 2012
La Mauritanie a lancé le programme Emel 2012 pour venir en aide aux éleveurs qui font face au déficit pluviométrique accru. Plusieurs d’entre eux ont d’ailleurs se sont déplacés vers le Mali , cette année , en quête de pâturages.
vouent et enfoncent le Hakem
Alakhbar a pu accéder aux documents de l’enquête relatifs aux aveux des personnes arrêtées. Parmi celles-ci, Fadel Ould Issa, neveu du directeur de Cabinet du premier ministre et magasinier à l'antenne du Commissariat à la sécurité alimentaire d'Aleg. Il reconnaît avoir détourné, le 19 juin, une partie d’un chargement de ‘’Emel 2012’’ en destination d’Aleg dans la Wilaya du Brakna (sud Mauritanie), avant de décharger le reste dans le grenier du commissariat, à un moment où la plupart des employés étaient déjà descendus.
Cependant, Ould Issa, précise que tout s’est déroulé au vu et au su des autorités en charge du programme. Il révèle même un coup de fil du Hakem qui réclamait une part de la cargaison à l'un de ses parents. L’impatience poussera d’ailleurs, raconte-t-il, le premier responsable de la Moughataa à venir sur place et à gronder les distributeurs pour avoir retardé la part de son parent.
Diop Moussa, responsable de l’Office du développement rural, confirme que la cargaison a été acheminée au commissariat en dehors des heures de travail. Il ajoute qu’elle a été vite déchargée avant que le Hakem ne vienne blâmer le magasinier, pas pour le retard de la cargaison, mais pour avoir trainé son parent en question. "C’est d’ailleurs par à la dispute entre le Hakem et le magasiner qu’on a su qu’une partie de la cargaison a été détournée", atteste Diop Moussa.
Le Hakem dégage sa responsabilité
Le Hakem, se confiant à Alakhbar le soir des faits, a nié avoir été au courant des détails sur le lieu, l’heure et la quantité d’aliments transportés. Mais sitôt informé du présumé détournement, il a ordonna, d’après lui, l’arrêt du déchargement et demande qu’une enquête soit ouverte.
L’enquête révèle la disparition de plusieurs tonnes d’aliments de bétail des magasins du commissariat.
Commerçants et courtiers servis avant les pauvres
L’enquête révèle aussi que des pots-de-vin, à hauteur de 110 milles Ouguiyas, ont été versés par des commerçants à des courtiers pour chaque tonne d’aliments extrait illégalement des stocks du commissariat. Ainsi, un sac d’aliment, qui devrait coûter 2000 UM (prix subventionné), le courtier le sort à 5500 UM pour le commerçant. Et ce dernier le revend à 75000 UM (prix avant subvention).
Yacoub Ould Salem, l'un des commerçants entendus dans l’affaire, avoue avoir reçu 4 tonnes d’aliments de deux femmes inconnues et une autre tonne d’un homme toujours non identifié. Il dit aussi avoir bénéficié de bons d’aliments émis par le Hakem et un autre bon de 10 sacs reçu des éléments de la Garde nationale à la Moughataa.
Ould Salem a, de même obtenu, 5 tonnes et demi lors de la livraison de la cargaison au Commissariat. Il a profité du moment des échanges houleux entre le Hakem et le magasinier pour disparaitre avec «son butin» sur des charrettes.
Un autre commerçant, Moussa Ould Emrane, se rappelle avoir payé quatre tonnes d’un dénommé Cheikh Ould Lemrabot à 110.000 UM la tonne. Celui-ci déclaré avoir gardé les quantités dans sa boutique.
Cheikh Ould Lemrabott a par la suite cité le nom de Mamadou Ould Vih El Barka, à qui il aurait remis un bon de 3 tonnes moyennant 210.000 UM. Ould Vih El Barka souligne, au passage, que le bon est établi au nom d'un autre que celui de son porteur.
Pour sa part, Cheikh Ould Lemrabott reconnaît avoir reçu des bons de la part du Hakem d’Aleg et par l'intermédiaire de l’un des maires dont on n’a pas encore révélé le nom.
En somme , le commerçant Cheikh Ould Lemrabott a reçu 9 tonnes et 8 sacs d’aliments du programme Emel 2012 qui était destinés à des pauvres éleveurs. Il les a vendus aux commerçants Abderrahmane Ould Soukah et Moussa Ould Imran ainsi qu’à d’autres à 110.000 UM la tonne.
Mohamed MBareck Ould Ely, qui gère le dépôt du Programme alimentaire mondial (PAM) au niveau de la Wilaya, dégage lui aussi toute la responsabilité sur le Hakem. Il reconnaît, en ce qui le concerne, qu’il inscrivait sur les bons : «autorisé par le Hakem».
De faux nom et numéro ID sur les bons
En outre, les enquêteurs ont constaté, par l’aide de la Protection civile, que trois sur quarante des patronymes et de numéros d’identité qui figuraient sur la plupart des bons étaient faux. Et à la demande d’explication des enquêteurs, une source affirme à Alakhbar que le Hakem était dans tous ses états, en affirmant que le numéro d’ID n’était pas exigé. «Pourquoi alors en user des faux ?», se demandent les enquêteurs.
Le Wali cité dans une affaire similaire
Malheur des uns , bonheur des autres. Selon des sources locales, cette affaire, qui impliquerait le neveu du directeur de Cabinet du premier ministre, pourrait bien faire l’affaire du Wali du Brakna. Celui-ci était accusé, lors de la visite du président Aziz dans la Wilaya, de se mêler dans d’autres irrégularités dans le cadre du même programme. L’accusation a été portée contre lui par un groupe de personnes qui auraient agi pour le compte du directeur de Cabinet du PM. Le Wali a d’ailleurs reçu la convocation du juge d’instruction en charge du dossier et devrait être entendu, mardi, dans l’affaire.
Alakhbar est le premier organe de presse à révéler, le 19 juin dernier, le détournement d’un chargement à destination d’Aleg dans le cadre du programme Emel 2012.