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Date: 09.12.2024  Heure: 17:37 GMT


Ajouté le : 30.12.2012 10:18

Abdoulaye Bathily, ministre d’Etat sénégalais: "Aucun nuage dans les relations Mauritanie- Sénégal"

ALAKHBAR (Nouakchott)-Il n’y a aucun nuage dans les relations entre le Sénégal et la Mauritanie à l’heure actuelle a déclaré, dans la première partie de cette interview accordée à Alakhbar, le ministre d’Etat sénégalais. Abdoulaye Bathily est présent à Nouakchott depuis le vendredi 28 décembre pour assister au 3ème congrès de l’UFP, Union des Forces de Progrès.

ALAKHBAR: Peut-on savoir, Monsieur le ministre, l’objet de votre visite en Mauritanie ?


Abdoulaye Bathily: Nous sommes venus participer au congrès de l’UFP, Union des Forces de Progrès, qui est un pari frère dont je connais les dirigeants depuis quarante ans. Ba Boubacar Moussa, par exemple, a été avec nous dans le mouvement étudiant à l’Université de Dakar. Nous avons appartenu à la même direction du mouvement : « Union des étudiants de Dakar» aux années 1968-69. En ce qui concerne le président Mohamed Ould Mouloud, je l’ai également connu à l’Université de Dakar. Il a été mon étudiant. Il a fait un mémoire d’histoire avec moi. En tant que parti, nous entretenons des relations fraternelles avec le parti UFP et des relations amicales avec tous ses dirigeants. J’étais déjà venu pour le congrès de l’UFD, il y a quelques années. Donc entre les Forces démocratiques mauritaniennes et les Forces démocratiques au Sénégal il y a une longue tradition. Nous nous connaissons depuis très longtemps et nous nous fréquentons par delà les diversités de position sur telle ou telle question. Ce sont des relations qui ont été tissées dans l’histoire. Et même, bien entendu, de par mes fonctions actuelles de ministre d’Etat auprès du président de la République, Macky Sall, je suis porteur d’un message que je dois délivrer au Président Mohamed Ould Abdel Aziz de la part de Macky Sall.

 

ALAKHBAR: Que répondez-vous à ceux qui pensent que les relations Sénégal/Mauritanie se sont dégradées à l’arrivée de Macky Sall au pouvoir ?


Abdoulaye Bathily: Le Sénégal et la Mauritanie ont d’excellentes relations. Les relations sont très bonnes, en ma connaissance. Je suis, quand même, ministre d’Etat auprès du président de la République du Sénégal depuis le premier août. Et même avant ça, au dernier sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba, j’étais dans la délégation sénégalaise, et le président Aziz était là. Il y a eu des rencontres entre les deux chefs d’Etat. Et il y a des échanges. Ça, j’en suis quand même témoin. Je peux affirmer alors qu’il n’y a aucun nuage dans les relations entre le Sénégal et la Mauritanie à l’heure actuelle.

 

ALAKHBAR: Vous savez toutefois que les dossiers de la pêche et du transport sont souvent sources de polémique entre les deux pays ?


Abdoulaye Bathily: C’est normal qu’il ait de temps à autre des problèmes qui ne viennent pas nécessairement des gouvernements. C’est quelques fois des intérêts sur le terrain entre différents acteurs et que les gouvernements doivent gérer. Ce n’est pas seulement entre le Sénégal et la Mauritanie mais aussi  entre le Sénégal et  la Guinée Bissau où nous avons des problèmes avec les pêcheurs sénégalais. C’est encore entre le Sénégal et le Mali, vous avez pu vous rendre compte qu’il y a eu récemment la grève des transporteurs de part et d’autre; parce que les transporteurs du côté sénégalais et ceux du côté malien n’ont pas les mêmes intérêts. Il y a donc des frictions. Il appartient aux gouvernements de régler ces frictions entre acteurs qui sont fondées sur des intérêts particuliers. Les Etats gèrent les intérêts globaux, mais quand il y a des frictions qui appariassent entre pêcheurs sénégalais et mauritaniens, les deux Etats se mettent ensemble et les règlent. Entre transporteurs, c’est la même chose.

 

ALAKHBAR: Ces problèmes persistent parce que vous n’envisagez pas de solutions définitives ?


Abdoulaye Bathily: Il y a toujours des solutions de longue durée que nous trouvons. Il y a quand même des accords qui existent entre les deux pays. Mais au-delà de ces accords qui tranchent pour la durée, il y a toujours le comportement des acteurs qui peuvent transgresser ces accords de longue durée. Je ne crois pas qu’il y a de quoi s’alarmer. C’est normal qu’il ait ces frictions-là. Elles concernent également les pays avec lesquels nous n’avons pas les mêmes frontières. Permettez-moi de rappeler encore qu’on ne choisit pas ses voisins, on est condamné à vivre ensemble.

 

ALAKHBAR: On note un recul du rôle diplomatique du Sénégal dans la sous-région. Comment l’expliquez-vous ?


Abdoulaye Bathily: C’est tout à fait normal, parce que du temps de Abdoulaye Wade, il a entretenu beaucoup de polémique avec certains Etats voisins.  Notre diplomatie son niveau aussi, il faut le reconnaître, a baissé pendant les 12 dernières années. C’est ce que nous sommes en train de relever: le président Macky Sall est en train de donner une nouvelle tournure à notre diplomatie. Nous sommes en train de reconstituer nos amitiés de les consolider et de faire en sorte que le Sénégal puisse jouer humblement modestement mais efficacement son rôle dans la sous-région, dans le continent et dans le monde.

 

ALAKHBAR: Le Sénégal est en retard par rapport à la diplomatie burkinabé qui fait ses preuves dans la libération d’otage.


Abdoulaye Bathily: Il n’y a pas à s’en offusquer. Le président Compaoré est resté plus de vingt temps au pouvoir;  il a donc acquis une longue expérience qui l’a placé au centre des conflits de la sous-région. C’est tout à fait normal. Au Sénégal, il y a eu, non seulement, ces changements-là, mais ces changements ne sont pas opérées d’une manière, disons, positive. Le président Abdoulaye Wade a tenté de refaire mais d’une manière, à mon avis, maladroite. Nous nous félicitons de ce que le président Compaoré fait. Il n’y a pas de rivalité à créer entre les Etats ou les chefs d’Etat. Chacun, par rapport à son expérience, à son tempérament ou à sa façon de faire, peut contribuer, d’une manière ou d’une autre, à la solution de telle ou telle crise. Nous ne pouvons pas jouer les rôles identiques.

 

ALAKHBAR: Les partisans de Wade, ex-président du Sénégal, se disent victimes de chasse aux sorcières?


Abdoulaye Bathily: Non. Il n’y a pas de chasse aux sorcières. Nous nous sommes rendus compte, après la victoire, en faisant l’état des lieux, que Abdoulaye Wade et beaucoup de membres de son entourage, de son gouvernement et de son régime se sont accaparés des ressources du pays; ils ont acquis de manière illicite beaucoup de moyens de l’Etat. Et le président Macky Sall est venu sur le crédo d’une meilleure gouvernance: une gouvernance transparente. Aux temps d’Abdoulaye, l’Inspection Générale de l’Etat et les autres corps de contrôle ont fait des rapports sur la gestion de beaucoup d’éléments du régime. Malheureusement, ces rapports n’ont pas été suivis d’effet. Alors, nous, quand nous sommes venus, le président Macky Sall a décidé de passer à l’acte. Ils ont pillé les deniers publics; il faut les rendre. Ce n’est pas seulement Macky Sall qui le demande, c’est encore le pays entier.

 

ALAKHBAR: N’y a-t-il pas acharnement contre Karim, le fils de Abdoulaye Wade ?


Abdoulaye Bathily: Non. Il n’y a aucun acharnement. Il a dit: "vous vous êtes enrichis, donnez la preuve des biens que vous avez acquis". C’est tout. Pas la peine de crier. S’ils donnent la preuve que ces biens ont été acquis de manière honnête, il n’y aura aucun problème. On vous dit que vous vous êtes enrichi illicitement, mais faites la preuve que ce n’est pas ça. S’ils faisaient ça tranquillement, il n’y aurait pas tout ce bruit-là.

 

ALAKHBAR: En Casamance (Sud Sénégal), les rebelles ont libéré des prisonniers de l’armée sénégalaise. Quelle sera la réponse de Dakar à ce geste ?


Abdoulaye Bathily: La Casamance est une de nos préoccupations majeures. Le processus qui a conduit à la libération des prisonniers militaires fait partie d’une initiative de paix que le gouvernement de Macky Sall a déjà engagée. C’est un dossier que nous suivons de manière très sérieuse. Et nous espérons qu’au moins cette fois-ci avec le régime de Macky Sall nous arriverons à régler le problème de la Casamance. Nous ne donnons pas de délai, mais les choses avancent.

 

ALAKHBAR: Quel est le degré d’implication de la Gambie dans cette question ?


Abdoulaye Bathily: La question de la Casamance ne peut pas se régler sans les pays voisins. C’est les mêmes populations de part et d’autre. Donc le gouvernement gambien est impliqué par exemple dans la libération des prisonniers. La Guinée Bissau est aussi impliquée. En fait "impliquée" c'est-à-dire qu’elle participe à la solution. Il y a même des éléments extérieurs; il y a une ONG  romaine qui veut exprimer sa bonne volonté. Donc, je pense que pour la Casamance nous sommes en train d’avancer.

 

Les crises africaines sont des crises très complexes. Depuis des années, avant d’occuper les fonctions que j’occupe actuellement, j’ai travaillé avec la CEDEAO, avec l’Union africaine et dans la solution de beaucoup de crises. Actuellement, je suis envoyé spécial de l’Union africaine. J’ai été à Madagascar et je me suis occupé du Libéria de la Siéra Léone et donc d’autres conflits encore sur le continent. Aujourd’hui les questions sont très complexes, parce qu’en général c’est des conflits résultant d’une mauvaise gestion de la diversité dans nos pays. Tous nos pays connaissent une grande diversité: diversité ethnique, diversité culturelle, diversité religieuses, etc. Et nos dirigeants africains s’ils veulent que leur pays connaisse la paix la stabilité, doivent prendre en compte toute la diversité qui s’exprime dans leur pays et faire une gestion équitable des éléments de cette diversité. S’ils ne le font pas et favorisent un groupe contre un autre, même si c’est le groupe majoritaire contre la minorité, celle-ci va s’affirmer. L’être humain, quelque soit son niveau, s’il se sent opprimé  il se révoltera.  Donc si nous voulons la paix, comme sans paix il ne peut pas y avoir de développement économique, il nous faudra gérer la diversité équitablement. Que chacun soit reconnu dans son identité. Que chacun sache qu’il ne peut pas écraser l’identité de l’autre. Si nous ne faisons pas ça, nos pays seront en permanence dans l’instabilité. Aujourd’hui vous avez le pouvoir, si vous ne l’utilisez pas de manière juste, vous serez renversé.

Retouvez ici la deuxième partie de cette interview consacrée à la crise malienne.





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