Date: 06.12.2023 Heure: 08:13 GMT
Ajouté le : 19.03.2014 12:09
Ils découvrent profané le Coran qu’ils viennent apprendre en Mauritanie (Reportage)
Les deux jeunes ont ramassé les exemplaires du Coran profanés dans la Mosquée Khaled Ben Wali à Nouakchott, dimanche 2 mars 2014. L'acte a provoqué un mouvement de colère dans la capitale et le reste du pays. Un manifestant a été tué et d’autres blessés. Moctar Diallo, 18 ans, et Aboubacar Diallo, 14 ans, sont originaires de Guinée Conakry. Ils sont venus apprendre le Coran en Mauritanie. Ils sont logés chez leur maître coranique, au quartier Teyarett, à quelques mètres de la mosquée en question. Assis à même une natte et habillés en élève coranique ; Moctar et Aboubacar apparaissent comme si de rien n’était. Mais ils sont trahis par l’inquiétude qui se lit sur leur visage. C’est après plusieurs tentatives que le maître accepte qu’on les photographie. Mais, ils ne vont pas nous parler. Le maître le fera à leur place et avec une très grande méfiance. «Cette affaire nous a surpris et choqué. On ne veut pas trop en parler. Nous ne voulons pas nous attirer des problèmes !».
Le maître, Mohamed Abbdella Diallo est originaire du village de Niaguis dans la préfecture de Zinguinchor (Sud Sénégal). Il débarquait en Mauritanie il y a de cela 14 ans. Il avait le même objectif que celui des deux garçons.
« Notre tradition, informe-t-il, exige qu’on finisse d’abord de réciter tout le Coran avant de demander la main d’une fille». Aujourd’hui, père de deux enfants, Mohamed n’a pas dérogé à la règle. Il enseigne d’ailleurs le Coran dans une salle de la mosquée Khaled Ben Walid où il est le muezzin principal. C’est à son adjoint, Mohamed Diallo, que les deux garçons avaient remis le coran profané. L'adjoint revient sur la scène: «Avant la prière du soir, on demande aux élèves de sortir de la classe à deux pour faire leur ablution avant de regagner la salle des prières. Moctar et Aboubacar étaient les deux premiers. À peine sortis, ils tombent sur quatre exemplaires du Coran par terre. La sourate « Al-Baqara (La vache) » était complètement déchirée des trois livres. Ils ont rangé les feuilles déchirées à leur place et m’ont tout remis. Je les ais montrés au muezzin principal». Celui-ci était dans le bureau de l’imam contigu à la salle de classe. Ici l’imam a sa bibliothèque et il dispense des cours au plus âgés. L’imam et le muezzin ont fait une ultime vérification des copies profanées avant de les amener dans la salle des prières pour les montrer aux fidèles. « Nous avons ensuite informé les autorités. Le wali, le hakem, le procureur de la République sont venus faire le constat. Ils étaient en compagnie d’éléments de la police», raconte le muezzin.
Une épreuve « divine »
Après un silence, notre imam relance la discussion en ces termes: « J’espère que vous avez pu le surmonter cette épreuve divine»? «Oui, Alhamdoullila (par la grâce de Dieu) », répondent le muezzin et son adjoint. Les trois ont été arrêtés au lendemain des faits. L’adjoint se rappelle: « La Police est revenue dans la mosquée et a arrêté tous les élèves. Avant de nous convoquer (les trois) ». Quelques heures plus tard tous les enfants sont libérés. Quant à l’imam, le muezzin et son adjoint ils seront retenus une semaine durant. À la veille de sa libération le muezzin perdra sa mère. Etait-elle choquée par l’emprisonnement de son fils à l’étranger ou emportée par le poids de la vieillesse ? Le muezzin n’affirme et n’infirme pas, mais confirme un signe d’adieu : « Je l’ai vu ma mère dans mes rêves. Elle était avec ma sœur et portait des bagages. Je lui ai dit : maman, je vais t’aider, tout ça est lourd. J’ai compris après qu’il s’agissait d’un signe d’adieu. Elle était décédée quelques heures avant notre libération». Mohamed a perdu sa mère mais pas ses voisins. Il est devenu pour eux le héro du quartier. Chaque passant lui doit une salutation et des remerciements: « Félicitation d’avoir défendu le livre d’Alla», lui disait une femme à notre présence.